Haïti - Reconstruire des vies, jour après jour

Claudia deux ans est la plus jeune patiente du service de soins post opératoires de l'hôpital MSF de Jacmel.
Claudia, deux ans, est la plus jeune patiente du service de soins post-opératoires de l'hôpital MSF de Jacmel. © Mashid Mohadjerin

L'hôpital MSF de Jacmel a été fortement touché par le séisme. Les patients du service de soins post-opératoires sont installés sous l'une des nombreuses tentes, dans la cour. Là, ils commencent à se remettre doucement de leurs blessures mais leur rétablissement physiqe et psychologique prendra encore bien du temps.

« Je suis rentré de l'école, j'ai fait mes devoirs et juste avant 17 heures, je me suis installé devant la télévision pour regarder l'épisode quotidien de Frijolito lorsque les murs se sont effondrés, tuant ma mère et mes trois sœurs », raconte en pleurs Jean-Rosemary, à peine âgée de 14 ans.

C'était là son dernier jour d'une vie normale et le premier des deux qu'elle a passé sous les décombres de sa maison de Jacmel, dans le sud de Haïti.

Ecrasée par les gravats, la jambe de Jean-Rosemary a été depuis soignée par une équipe de médecins et de chirurgiens de Médecins Sans Frontières (MSF) à l'hôpital de Jacmel.

Comme le reste de l'hôpital, le service des soins intensifs a également été touché par le violent séisme et se trouve désormais installé sous l'une des nombreuses tentes montées dans la cour. Les deux rangées de lits sont occupées par des rescapés de tous âges.


Certains ont eu la jambe ou le bras amputé, d'autres se remettent de fractures et d'autres enfin, comme Jean-Rosemary, luttent encore pour ne pas perdre un membre.

Tous les deux jours, elle est amenée sur un brancard en salle d'opération pour un nettoyage profond de sa plaie et pour refaire son pansement. Cela permet d'éviter une sur-infection de la blessure et de tenter par tous les moyens de sauver sa jambe. Ces soins sont douloureux car les chirurgiens doivent nettoyer les tissus en profondeur dans le muscle. Bien qu'elle reçoive une anesthésie, Jean-Rosemary chante chaque fois qu'elle se trouve dans le bloc. C'est sa façon à elle de soulager son angoisse.

« Je suis épaté par la force et la résilience de Jean-Rosemary », dit Nicole Dennis, infirmière MSF. « En fait, on trouve cette volonté chez tous les patients de ce service. Ils ont enduré tellement de choses et parviennent pourtant à faire preuve d'une attitude positive. J'ai vu un homme de 30 ans amputé de son bras droit, complètement sous le choc à son réveil. Et le lendemain matin, il me dit : Je vais m'en sortir.»

Les patients semblent s'encourager mutuellement. Certains d'entre eux puisent de la motivation chez les plus jeunes patients du service. Claudia est une petite fille de deux ans et demi qui a perdu ses parents dans le séisme et dont la jambe droite a dû être amputée sous le genou. Elle maintient catégoriquement qu'elle marchera de nouveau et ne cesse d'essayer. Lorsqu'elle est assise dans son lit, elle recouvre la jambe amputée avec la couverture, comme s'il s'agissait d'un inconvénient de courte durée qu'elle souhaite cacher.

Mais la résilience a ses limites et les pleurs jaillissent dès que ces survivants commencent à raconter le moment qui a bouleversé leur vie. Mettre des mots sur des blessures graves, la perte de personnes chères et la perte d'à peu près tout le reste sont autant d'épreuves à surmonter. Ne rien savoir de l'avenir ajoute encore à cette épreuve.

Les professionnels du soutien psychologique sont prêts à commencer leur travail auprès des patients traumatisés de l'hôpital. Ce soutien sera en effet crucial pour aider ces personnes à faire face au traumatisme causé par le tremblement de terre, à la perte des membres de leur famille et dans certains cas, au handicap.

Quelques lits plus loin, Odette, 56 ans, a dû être amputée du bas au niveau de l'épaule. Les chirurgiens de MSF ont greffé un morceau de peau de sa cuisse pour couvrir le moignon. Et, comme si la douleur psychologique et physique de l'épreuve ne suffisaient pas, elle doit faire face à la triste perspective de la vie après l'hôpital. Lorsqu'elle sera suffisamment rétablie, elle devra encore s'adapter à une vie avec un bras manquant et un lieu qui ne lui est pas familier - qui sait, peut-être une tente ou même dans la rue ?

Si le fait de quitter l'hôpital est généralement un moment heureux, aujourd'hui en Haïti, cela se traduit souvent par l'absence de proches ou de maison, et par un énorme traumatisme psychologique. Cela veut également dire vivre dans la rue ou dans un camp, lutter pour obtenir les biens les plus basiques comme de l'eau, de la nourriture, du savon, sans parler d'un abris correct. En quittant l'hôpital, on ne revient pas pour autant chez soi.

Les équipes de MSF travaillent dur aujourd'hui pour fournir des secours essentiels aux familles qui ont tout perdu dans le tremblement de terre. Dans la seule ville de Jacmel, MSF a distribué des kits d'hygiène et de cuisine pour quelque 1800 familles. Une course contre la montre a commencé avec l'arrivée prochaine de la pluie. Et beaucoup reste à faire pour fournir des abris aux populations avant le mois d'avril.

Si les vies des survivants peuvent être reconstruites, un rétablissement physique et psychologique prendra encore bien du temps pour de nombreux Haïtiens.

Dossier "Tremblement de terre en Haïti"

Retour au dossier consacré aux interventions de MSF en Haïti après le séisme du 12 janvier 2010.

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