Tuberculose: le premier médicament en 50 ans risque d’être gaspillé si la recherche et les politiques de prix ne suivent pas

La bédaquiline nouveau médicament contre la TB illustre le besoin d’un changement d’approche dans le développement et la mise à disposition de nouveaux traitements.
© Aurélie Baumel / MSF

La bédaquiline, nouveau médicament contre la TB, illustre le besoin d’un changement d’approche dans le développement et la mise à disposition de nouveaux traitements.

Sans une nouvelle approche au développement et à la tarification de nouveaux médicaments contre la tuberculose, la réponse mondiale contre cette maladie ne pourra sera incapable de délivrer les nouvelles combinaisons de médicaments nécessaires pour combler les besoins dans le traitement de la tuberculose résistante aux médicaments (TB-DR), a mis en garde Médecins Sans Frontières (MSF) à la veille de la Conférence mondiale sur la santé respiratoire, à Paris.

« Si je pouvais changer quelque chose pour les patients atteints de TB, ce serait le traitement. Si nous avions des médicaments moins toxiques et des traitements plus simples et plus courts, bien moins de personnes abandonneraient leur thérapie et moins de personnes mourraient », témoigne Phumeza Tisile, qui a pu être soignée de la tuberculose dans le projet MSF de Khayelitsha, en Afrique du Sud.

En décembre 2012, l’enregistrement aux États-Unis de la bédaquiline, un nouveau médicament contre la tuberculose commercialisé par Janssen, une filiale de Johnson & Johnson ( J & J), a mis fin à
cinquante ans d’absence de recherche et de développement (R & D) de médicaments contre la tuberculose.

« C'est une étape importante pour les praticiens et les patients, mais il n'y a pas lieu de se réjouir pour l’instant. Le nouveau médicament est évidemment une chance, mais ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont de nouvelles combinaisons de médicaments pour traiter la TB-DR. Si nous n’arrivons pas à fournir aux patients un tout nouveau traitement tolérable et plus efficace dans les années à venir, nous aurons gâché la possibilité d'améliorer radicalement le traitement de la TB-DR »,précise le Dr Cathy Hewison, spécialiste de la tuberculose à MSF.

La US Food and Drug Administration (FDA) a accéléré l'approbation de bédaquiline, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié des directives rapides pour son utilisation, et J & J a assez largement poussé pour son enregistrement. Ce sont des signes positifs, montrant que les acteurs de la lutte contre la tuberculose sont prêts à se mobiliser rapidement lors de l’arrivée de nouveaux médicaments. Mais pour atteindre l’objectif d’un tout nouveau traitement, il faut un changement plus radical dans la façon dont les médicaments antituberculeux sont développés et mis sur le marché.

« Il faut que la recherche se fasse de façon participative et dès le début, au lieu d’avoir des sociétés qui travaillent chacune dans leur coin. Pour cela, il faut un engagement majeur de la part de la communauté mondiale de la recherche, ainsi qu'un important apport financier, à un moment où l'investissement global sur la recherche et développement  pour la tuberculose est en réalité en baisse », explique Sharonann Lynch, chargée du dossier Tuberculose à la Campagne d’Accès aux Médicaments Essentiels (CAME) de MSF.

L'OMS estime que moins de 20 % des cas de tuberculose résistante aux médicaments dans le monde sont diagnostiqués et traités. Le traitement étant long, lourd, coûteux et peu efficace, avec des taux de guérison globaux qui ne dépassent pas 50%, l’élargissement du diagnostic et du traitement de la TB-DR est extrêmement difficile. Les pays les plus affectés devraient multiplier les efforts pour diagnostiquer et traiter la TB-DR dès aujourd'hui, afin que des programmes de soins solides soient en place. Ceci permettra d’assurer une utilisation responsable et efficace des nouvelles combinaisons de traitements une fois qu'elles seront disponibles. Pour atteindre cet objectif, les pays auront besoin de soutien, par exemple par le Fonds mondial, qui aura donc besoin d’un financement à la hauteur.

« Nous devons également travailler dès aujourd’hui pour que les prix des nouveaux traitements soient accessibles, poursuit Sharonann Lynch. La structure de prix prévue pour la bédaquiline par J & J oblige les pays à revenu intermédiaire, dont certains sont parmi les plus durement frappés par la TB-DR, à payer 3 000 dollars pour un traitement de six mois. Ceci est le prix d’un seul médicament – mais il faut garder à l'esprit que plusieurs médicaments sont nécessaires pour un traitement efficace. Si les nouvelles combinaisons de traitements à venir coûteront plusieurs milliers de dollars même dans les pays les plus pauvres, comme c’est le cas aujourd’hui, comment ces pays pourront alors améliorer l'accès à ces médicaments et augmenter le nombre de patients soignés? »


MSF est l’une des principales organisations non gouvernementales à traiter la TB-DR. En 2012, MSF a traité 29 000 patients atteints de tuberculose non-résistante dans 30 pays et 1 780 patients atteints de formes résistantes de tuberculose dans 18 pays.

MSF et l'Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires présentent aujourd'hui le rapport DR-TB Drugs Under the Microscope, qui passe en revue les prix, les fournisseurs, l’état de la recherche et les barrières existantes pour l’accès aux traitements anti-tuberculose.

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