Tuberculose multirésistante : 750 patients recrutés à l’échelle mondiale pour un essai clinique inédit

Une infirmière du ministère de la Santé inspecte la radiographie des poumons d'un patient pris en charge par MSF, au dispensaire antituberculeux d'Artyomovsk, près de Donetsk en Ukraine.
Une infirmière du ministère de la Santé inspecte la radiographie des poumons d'un patient pris en charge par MSF, au dispensaire antituberculeux d'Artyomovsk, près de Donetsk en Ukraine. © Niklas Bergstrand/MSF

750 patients issus de quatre continents ont accepté de participer à un essai clinique qui vise à trouver des traitements plus sûrs, plus rapides et plus efficaces contre la tuberculose multirésistante (TB-MR), une maladie infectieuse aérogène qui est devenue résistante aux médicaments standards. Financée par UNITAID, cette étude innovante est menée par le consortium EndTB, constitué de scientifiques et de cliniciens et piloté par Médecins Sans Frontières (MSF), Partners In Health (PIH) et Interactive Research and Development (IRD).

Lancé en 2017, cet essai de phase III, contrôlé et randomisé, a mené au recrutement de 750 patients atteints de TB-MR dans sept pays : Géorgie, Inde, Kazakhstan, Lesotho, Pakistan, Pérou et Afrique du Sud. Il va permettre de comparer cinq nouveaux schémas thérapeutiques contre la TB-MR contenant deux des trois nouveaux médicaments antituberculeux développés ces dernières années - la bédaquiline et le delamanide - combinés à d'autres médicaments antituberculeux oraux existants. Cette nouvelle génération de médicaments, développés après quasiment 50 ans d'absence de nouvelles gammes de médicaments antituberculeux, permet de trouver des traitements plus rapides (durant entre 6 à 9 mois contre deux ans jusque là), plus supportables et sans injection pour la TB-MR.

« Vieille ennemie de l'espèce humaine, la tuberculose reste aujourd'hui la maladie infectieuse la plus mortelle au monde. Et la tuberculose multirésistante en est sa version la plus dévastatrice. Les résultats de cet essai pourraient changer la vie de plus de 500 000 personnes souffrant de TB-MR et pourraient aider à traiter de manière appropriée des millions de patients, dès demain et dans les décennies à venir », explique le Dr Lorenzo Guglielmetti, chef du projet endTB pour MSF et co-investigateur principal de l'essai.

« Les résultats, qui seront disponibles en 2023, seront pertinents pour un large éventail de patients vivant avec la TB-MR. La population étudiée est en effet très diverse : alors que tous sont atteints d'une tuberculose résistante au traitement standard, l'échantillon comprend également des personnes d'origines ethniques diverses et certaines affectées par des comorbidités qui surviennent fréquemment avec la TB-MR comme le VIH, l'hépatite C ou le diabète. Les personnes atteintes de ces affections sont souvent exclues des essais contre la tuberculose, empêchant ainsi les médecins de savoir comment traiter au mieux ces patients », ajoute le Dr Carole Mitnick, professeur de santé mondiale et de médecine sociale à la Harvard Medical School et co-investigatrice principale de l'essai.

« Il s'agit d'une étape importante du plus grand investissement que fait Unitaid dans la lutte contre la tuberculose. Alors que les nouvelles données du Rapport mondial sur la tuberculose montrent que les progrès réalisés dans la lutte contre la maladie reculent pour la première fois depuis plus de dix ans, de nouveaux outils et traitements sont plus que jamais nécessaires. L'essai mondial et novateur EndTB profitera non seulement aux personnes atteintes de tuberculose multirésistante - une souche de tuberculose plus complexe et difficile à guérir - mais il renforcera également les capacités à long terme dans les pays qui supervisent cet essai clinique à multiples facettes », conclut le Dr Philippe Duneton, directeur exécutif d'Unitaid.

Cet essai clinique s'avère important sur différents plans. Pour commencer, il est novateur. Bien que les organismes de réglementation aient approuvé les médicaments individuels - les premiers nouveaux médicaments contre la tuberculose en 50 ans - leur combinaison optimale n'est pas encore déterminée. Plutôt que de tester différents schémas thérapeutiques de manière séquentielle sur une décennie ou plus, les partenaires ont appliqué une randomisation adaptative, maximisant ainsi le nombre de patients bénéficiant de schémas expérimentaux performants. Cela permet de mener des essais cliniques efficaces sur un échantillon de la population relativement petit (750 personnes). Cela nécessite également moins de ressources et peut permettre des améliorations spectaculaires du traitement sur de courtes durées.

Par ailleurs, l'inscription est ouverte à tous. EndTB a recruté des femmes et des adolescents, habituellement exclus des essais cliniques sous couvert de les protéger, pour permettre de savoir comment les soigner au mieux. Le consortium a contribué à la formation du personnel sur les sites cliniques, permettant ainsi davantage de recherche, des recommandations plus rapides et de meilleurs traitements dans le futur.

Enfin, les inscriptions ont été menées à bien malgré les contraintes liées à la pandémie de covid-19, qui a contraint des centaines d'autres essais cliniques à être interrompus. Les universités, hôpitaux et laboratoires, entre autres, ont dû suspendre ou abandonner leurs recherches. Cependant, le consortium endTB s'est adapté et a poursuivi ses démarches.

Cet essai clinique fait partie du projet global endTB, lancé pour révolutionner le traitement des patients atteints de TB-MR. Au total, environ 2 800 patients, originaires de 17 pays, ont été recrutés dans une étude observationnelle qui a produit des preuves solides de l'efficacité des nouveaux médicaments et soutient l'accès rapide à ces médicaments. Parmi les différentes initiatives de endTB, un deuxième essai contrôlé et randomisé, appelé endTB-Q, est en cours pour étudier un schéma thérapeutique de 6 à 9 mois pour traiter la forme la plus résistante de la TB-MR.

En outre, cet essai du projet endTB complète l'essai clinique TB-PRACTECAL, également parrainé par MSF, qui comprend un autre médicament plus récent, le pretomanid, qui tente de fournir des preuves qualitatives sur l'intérêt des schémas thérapeutiques plus courts et entièrement oraux. Ces deux derniers essais cliniques répondent aux besoins critiques d'options de traitement et d'accès pour les quelque 500 000 personnes qui contractent la tuberculose multirésistante chaque année.

À propos de Partners In Health (PIH)

Fondée en 1987 par le Dr Paul Farmer, Ophelia Dahl et le Dr Jim Yong Kim, Partners In Health est une organisation de justice sociale à but non lucratif qui s'efforce de mettre à disposition les avantages de la science médicale moderne aux communautés les plus vulnérables du monde. PIH a une riche expérience de mise en œuvre de modèles de prestations de soins de santé efficaces en partenariat avec les gouvernements et les institutions universitaires, y compris la Harvard Medical School et le Brigham & Women's Hospital, aidant PIH à apporter des contributions vitales à la lutte contre les épidémies dans les milieux ayant des ressources limitées. Retrouvez plus d'informations sur www.pih.org et www.pih.org/StopCOVID.

A propos de Interactive Research and Development (IRD)

IRD Global est une organisation mondiale de recherche et de prestation de soins de santé engagée pour l'amélioration des conditions de vie des communautés vulnérables en créant des réseaux de partage d'idées et d'innovations pour un impact mondial sur de multiples problèmes de santé publique. L'IRD soutient la mise en œuvre de stratégies innovantes pour rechercher, prévenir et traiter la tuberculose en s'appuyant sur l'expérience de mise en œuvre antérieure dans les établissements des secteurs privé et public et les initiatives de prestation de services de santé. Retrouvez plus d'informations sur www.ird.global.

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