Témoignage du Nigeria : « Nous travaillons non-stop, de nouveaux déplacés arrivent continuellement »

National Youth Service Scheme Camp (NYSC) ; un camp regroupant plus de 6 000 déplacés (avril 2015) à Maiduguri
National Youth Service Scheme Camp (NYSC) ; un camp regroupant plus de 6 000 déplacés (avril 2015) à Maiduguri © Abubakr Bakri/MSF

Le Dr. Faisal Ga'al vient de terminer sa mission en tant que coordinateur des projets menés par MSF à Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno, au nord-est du Nigeria. Les affrontements qui y opposent, depuis plusieurs années, le gouvernement nigérian et le groupe islamiste Boko Haram connaissent une escalade dramatique. Du fait des attaques régulièrement menées par ce groupe sur les villages et de l’insécurité générale, des milliers de civils sont obligés de fuir les raids, pillages, massacres et exactions. Selon le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR), plus de 1,5 millions de Nigérians sont aujourd’hui déplacés par les violences dans le nord-est du pays. Ces déplacés sont principalement des femmes et des enfants. Le Dr. Faisal Gaal revient sur leur situation, critique, et leurs besoins, urgents.

« Je suis arrivé à Maiduguri en avril 2014. Nous y sommes d'abord allés pour évaluer les besoins humanitaires et médicaux. A ce moment-là, environ un tiers de l'État de Borno était touché par les activités de Boko Haram. En dépit de la violence générale, Maiduguri demeure l'une des zones les plus sûres de l'État.

En juin 2014, nous y avons accueilli le premier afflux de déplacés. Les autorités épuisaient leurs ressources en tentant de répondre aux besoins de base de ces populations. C'est pourquoi nous leur avons proposé notre aide. MSF a donc fourni un accès à l'eau, des abris et un soutien logistique ; ainsi que des consultations médicales, une prise en charge nutritionnelle et des soins anténataux aux déplacés.

En septembre 2014, nous avons répondu à une importante épidémie de choléra au sein de la population déplacée et avons pris en charge 7 000 cas dans les centres que nous avions mis en place à Maiduguri. Dans le même temps, nous avons effectué de nombreuses visites à des hôpitaux situés à l'extérieur de la ville. Nous nous sommes ainsi rendus dans des zones touchées à 90% par l'insurrection comme Baga, Monguno, Damboa, Konduga et Biu. Certains hôpitaux avaient été bombardés, totalement brûlés et/ou pillés. Nous avons initié un soutien à ces structures (approvisionnement en médicaments et mise en place d’un système de transfert des patients vers Maiduguri). Mais aucun des hôpitaux situés en dehors de Maiduguri et de Biu ne fonctionne aujourd’hui.

En mars 2015, environ 10 000 personnes - qui avaient été enlevées par Boko Haram en août 2014 - ont été libérées. Il s’agissait principalement de femmes et d'enfants ; ces derniers ont été transférés dans un camp de Maiduguri où il n’y avait ni abris, ni installations sanitaires. En moins de 24 heures, notre équipe était sur place pour identifier et répondre à des besoins très urgents. Nous avons mis en place des réservoirs d'eau de 15 000 litres, des abris, des latrines et avons initié des activités médicales.

Environ un million de déplacés vivent désormais à Maiduguri. Ils sont répartis dans 14 camps, mais la plupart d'entre eux (près de 90 %) vivent au sein de la communauté, dans la ville. Parfois, ils cohabitent avec les membres de leur famille ; parfois cinq ou six familles déplacées cohabitent dans une seule maison. MSF gère à présent des dispensaires dans les communautés d'accueil et dans les camps. Nous assurons des soins primaires, maternels et pédiatriques. Nous avons également mis en place programme nutritionnel. Nous travaillons non-stop, de nouveaux déplacés arrivent toutes les semaines.

Maiduguri est régulièrement attaquée par Boko Haram, c'est pourquoi nous avons aussi formé le personnel des trois principaux hôpitaux de la ville à prendre en charge des afflux de blessés. A chaque explosion ou attaque, nous apportons notre soutien aux équipes du ministère de la Santé (triage et gestion des urgences dans les hôpitaux).

Depuis quelques mois, certains déplacés commencent à rentrer chez eux pour pouvoir cultiver à nouveau, pêcher... Malheureusement, les routes et les villages ne sont toujours pas sécurisés. Certains ont dû faire demi-tour après avoir été - à nouveau - attaqués par Boko Haram. Ceux qui parviennent à rentrer vivent dans des conditions catastrophiques, peut-être même pires que celles des déplacés. Les populations doivent repartir de zéro et vont avoir besoins d'une aide d'urgence pendant quelques temps encore. Les besoins vont être importants. Notre souci principal désormais est de parvenir à se rendre dans ces zones, auprès de ces gens ».

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