URGENCE GAZA

Gaza : la résolution du Conseil de sécurité sur un
cessez-le-feu doit être suivie d’effets immédiats

Lire le communiqué

Fonds d'urgence

Chapo

Grâce à vous, nos équipes interviennent en urgence auprès des populations qui en ont le plus besoin, partout où nous agissons.

je donne au fonds d'urgence MSF 

Dans la Jungle de Calais : «Vivre ici, c'est mourir à petit feu»

calais fevrier 2016 mohammad ghannam msf
calais fevrier 2016 mohammad ghannam msf © Mohammad Ghannam/MSF

Un vent glacial se mêle à la pluie. La météo sur Calais est encore plus pénible à subir pour les milliers de demandeurs d’asile qui vivent ici, dans la « Jungle », dans la peur et l’incertitude. De plus, depuis quelques jours, la menace annonçant le démantèlement des tentes de la zone sud du camp plane.

Trouver un travail ici est très difficile. Sans compter la barrière de la langue… Pourtant, certains Soudanais ont décidé, le cœur lourd, de demander l’asile à la France. D’autres réfugiés venus de Syrie ou d’Irak ont quitté l’Hexagone pour rejoindre l’Allemagne ou la Suède, où ils espèrent être les bienvenus. Certains kurdes et arabes de Syrie ont rejoint le camp tout proche de Grande-Synthe, où ils s’entassent dans la boue, sous la pluie, avec peu voire aucun accès aux services de base.

Quelques-uns ont répondu à l’appel des pouvoirs publics français à évacuer les tentes et à emménager dans les containers du « centre d'accueil provisoire » installé par les autorités françaises non loin de là. Mais la grande majorité des milliers de résidents de la Jungle n’ont pas encore décidé de ce qu’ils allaient faire si leur vie dans le camp doit prendre fin bientôt  et quand d’ailleurs ?

Nombre d’entre eux expliquent qu’ils veulent impérativement rejoindre l’Angleterre afin d’y retrouver des membres de leur famille. En attendant, ils survivent dans des conditions de vie désastreuses et mènent une existence faite de frustration, dans l’attente du jour où un passeur voudra bien les faire traverser en échange d’une somme exorbitante.

« Le vent déchire nos tentes. Dès qu’il y a une tempête, le campement est détruit, se désole Mohammad, un jeune homme de 21 ans qui a fui la guerre en Syrie. C’est ainsi que nous vivons. Depuis quand les gens vivent-ils comme ça en Europe occidentale ? Ils nous parquent dans des camps, nous privent de nourriture. Et nous restons assis là. À compter les jours. C’est comme mourir à petit feu. » Mohammad est prêt à risquer sa vie pour passer en Angleterre à bord d’un camion frigorifique. « Je mourrai peut-être. Mais je mourrai aussi ici de toute façon. »

Incertitude persistante

Aujourd’hui, nombre de demandeurs d’asile pensent que la « voie vers le Royaume-Uni est fermée ». Avant, le passage coûtait de 5 000 à 6 000 livres sterling (soit de 6 400 à 7 600€). Désormais, et sans doute du fait de la sécurité renforcée, ce prix atteint 10 000 livres sterling (soit plus de 12 800€). Parce qu’ils ne disposent pas d’une telle somme, beaucoup baissent les bras.

Les réfugiés qui acceptent de vivre dans les containers du centre d'accueil provisoire doivent passer par le prélèvement obligatoire de leurs empreintes digitales et se demandent si cela peut compromettre leur future demande d’asile en Grande-Bretagne. Beaucoup sont réticents à l’idée d’emménager dans ces containers, encerclés par une barrière, sous surveillance constante, dans un quotidien régi par de nombreuses règles. Ainsi, le fait de devoir pointer à chaque fois qu’ils reviennent de l’extérieur entrave leur liberté de déplacement. De plus, toute visite est interdite. Escortés par la police, les  bulldozers n’ont pas évacué les tentes. Les habitants de la Jungle se disent qu’ils ont encore un peu de temps pour emménager dans les containers et/ou quitter les lieux. Mais ils ne savent pas si cette information est exacte. L’incertitude persiste.

calais fevrier 2016 mohammad ghannam msf

Des policiers, et au fond, la Jungle. © Février 2016 - Mohammad Ghannam/MSF

Le droit de choisir

Peur que le camp soit rasé et peur de la police aussi. Si, depuis un mois, celle-ci a cessé de patrouiller dans la Jungle, une importante présence subsiste, avec de nombreux camions garés autour du camp et des agents empêchant quiconque de s’approcher de l’autoroute. Cela commence par des avertissements, puis ce sont les tirs de bombes lacrymogènes. Peur aussi de la population calaisienne ; certains ont été frappés par des habitants de la ville. Désormais, les réfugiés ont peur de tout le monde et se méfient même de ceux qui tentent de les aider. Beaucoup pensent que la police française approuve ces attaques, que personne ne les protège. « Rien n’incite à rester en France. On nous parle de sécurité, mais où est la sécurité ici ?, demande Ahmad, 25 ans. Quand il y a beaucoup de camions sur l’autoroute et que les gens essaient de monter à bord, la police arrive et nous frappe. Elle nous lance des bombes lacrymogènes. Ça brûle. C’est très violent. Alors nous rejoignons nos tentes en courant et ils balancent du gaz jusque sur nos tentes ». Ainsi, nombre de migrants nous ont déclaré qu’ils ne souhaitent pas demander l’asile en France en grande partie à cause de la manière dont la police française les traite à Calais. « Rien ne vous incite à demander l’asile ici. Il n’y a rien, que des conversations stériles », regrette Ahmad.

Mamoun, lui aussi originaire de Syrie, reproche à la Grande-Bretagne et à la France de ne pas permettre aux réfugiés de retrouver leur famille de l’autre côté de la Manche. « Nous avons le droit de choisir où nous voulons vivre. Nous devrions au moins avoir le droit d’être aux côtés des nôtres, en Angleterre. Plutôt que de dépenser autant d’argent à nous empêcher de traverser, ces sommes devraient être allouées à des solutions nous permettant de passer en toute sécurité. »

À lire aussi