Impacts et perspectives du nouveau test contre la tuberculose

Dr Francis Varraine
Dr Francis Varraine © Virginie Amehame/MSF

Un nouveau test de diagnostic de la tuberculose vient d'être mis au point. Comme toute avancée médicale, il risque de modifier la pratique des médecins et la prise en charge plus globale de la maladie. Le docteur Francis Varaine, spécialiste de la tuberculose à MSF, aborde ici l'impact et les perspectives thérapeutiques liées à ce nouveau test.

En quoi ce test est-il une avancée importante ?
D'après les résultats déjà publiés, il semble que ce test soit effectivement une réelle avancée, surtout par sa rapidité et sa simplicité d'emploi. Et cela mérite d'être souligné, car les avancées dans le domaine de la tuberculose sont quasi-inexistantes depuis de nombreuses années. C'est un test extrêmement rapide qui donne des résultats en deux heures. Il a également une bonne sensibilité, c'est-à-dire une bonne capacité à donner un résultat positif si le bacille tuberculeux est présent. Comparé à la culture*, le test de référence, il a une sensibilité de 90%, un excellent résultat pour un test rapide. Autre avantage, le fait qu'il soit extrêmement simple d'emploi. Malgré sa haute technicité, un technicien de laboratoire pourra s'en servir au terme de quelques heures de formation. On mélange les expectorations du patient avec un réactif, on attend 15 minutes, on le met dans une machine et deux heures plus tard, on obtient un résultat positif ou négatif. Cela nécessite peu de manipulations, donc moins de risques de contamination et une marge d'erreur quasi-nulle dans l'interprétation des résultats. En fait, ce n'est pas un, mais deux résultats qui s'affichent : présence ou non de la mycobactérie tuberculeuse et résistance ou non à la rifampicine, le principal traitement antituberculeux de première ligne. Il s'agit donc de deux informations majeures pour le traitement du patient.
*Voir encadré

Pourquoi est-ce si important d'obtenir rapidement un diagnostic ?
Pour certains patients, le délai d'obtention du diagnostic final pouvait atteindre trois mois. En pratique, les soignants sont bien  obligés de débuter un traitement. Il s'agit donc d'un traitement administré à l'aveugle, pas toujours adéquat. Et lorsque ce délai est trop long, cela peut être fatal pour le patient. Certains cas ont été très médiatisés, comme les patients sud-africains du Kwazulu Natal, pour qui les résultats sont arrivés après leurs décès, soit en moyenne16 jours après la collecte de leurs expectorations. Pour tous les patients tuberculeux fragiles, ceux en stade avancés, co-infectés par le VIH ou les enfants, le délai du diagnostic et donc la mise en route d'un traitement adapté est crucial. Et d'une manière générale, si le temps d'attente est trop long, certains malades
risquent de ne pas revenir se faire soigner.

MSF va-t-elle utiliser ce nouveau test dans ses missions ?
Oui, nous avons commandé des machines qui sont d'ores et déjà sur nos terrains, notamment au Kenya, au Malawi, au Cambodge,
en Colombie et en Abkhazie. Dans les mois à venir, il s'agit d'abord de voir comment ce test va fonctionner en conditions réelles : effets de la chaleur, de l'humidité, de la poussière, problèmes d'électricité, installation ou non de la climatisation dans certains laboratoires, stockage des cartouches, gestion des déchets. Bref, il reste un certain nombre de questions logistiques et organisationnelles à régler. Ensuite, il faudra évaluer l'impact de son utilisation sur la détection et la prise en charge des patients.

Quelle place aura-t-il dans le diagnostic de la tuberculose ?
Justement, cela fait partie de l'évaluation globale du test. MSF va l'utiliser en première intention pour les patients suspects de tuberculose dans les contextes à forte prévalence du VIH ou de tuberculose multi-résistante. Nous avons développé des algorithmes diagnostiques qu'il faudra évaluer. Il faut que ce test soit utilisé de la manière la plus rationnelle possible pour détecter rapidement les patients, sans tomber dans l'excès de son utilisation. Grâce à sa véritable simplicité d'utilisation et au délai rapide d'obtention des résultats, cette nouvelle machine permet d'optimiser le déroulement des tests et « de diagnostiquer plus de patients résistants aux médicaments ».

S'agit-il d'un test idéal ?
Le test « idéal » serait bien entendu celui qu'on pourrait utiliser partout, au plus près du patient, directement dans les petits  dispensaires de brousse. Ce n'est pas le cas ici... Mais on pourra a priori l'utiliser en dehors des grands laboratoires de référence, au niveau des districts et se rapprocher des patients. Ce sera déjà un progrès considérable ! L'autre limite de ce test, c'est qu'il n'a été validé que pour les crachats, donc pour le diagnostic de la tuberculose pulmonaire. Or, certains patients ne sont pas capables de produire des crachats, c'est le cas des enfants. Et ce test n'améliore pas non plus le diagnostic des tuberculoses extra- pulmonaires, celles qui se logent ailleurs que dans les poumons. L'idéal serait donc de disposer d'un test dans le sang ou les urines. Et s'il améliore le diagnostic, il ne convient pas pour le suivi des patients. Comme le résultat ne concerne qu'un seul antituberculeux, il ne remplacera pas complètement la microscopie, la culture et l'antibiogramme*.
* Voir encadré

Quel va être son impact ?
Avant de pouvoir répondre à cette question, il faut le mettre à l'épreuve du terrain à large échelle. Si ses performances se confirment, il est probable que ce test modifie significativement notre pratique quotidienne. On disposera alors plus vite d'un diagnostic plus fiable. On aura beaucoup moins de patients diagnostiqués de manière présomptive sur une base uniquement clinique. C'est
particulièrement vrai pour les patients séropositifs, chez qui il est parfois très difficile de dépister la maladie. Avec ce test, on va mieux déterminer qui est tuberculeux et qui ne l'est pas. L'autre aspect très important, c'est que ce test va permettre de diagnostiquer plus de patients résistants aux médicaments. On saura quel patient est résistant à la rifampicine, ce qui correspond plus ou moins à la forme multi-résistante de la maladie. Jusqu'à présent, la détection du profil de résistance d'un patient nécessitait un  antibiogramme. La vaste majorité des patients dans le monde n'en bénéficiait pas, et n'était donc pas diagnostiquée. Il est probable qu'aujourd'hui, nous trouvions donc beaucoup plus de patients atteints de tuberculose multi-résistante. Ces patients qui  n'apparaissaient pas dans les statistiques vont maintenant exister. C'est très bien pour les patients, et cela va poser un réel problème en termes de capacités de prise en charge thérapeutique.

Comment faire face à cette augmentation de patients multi-résistants ?
Le premier volet, c'est celui de l'organisation des programmes. Il faut renforcer les systèmes de soins pour qu'ils puissent accueillir ces nouveaux patients. Le traitement actuel est long, complexe, toxique, provoquant des effets secondaires graves, lourd à mettre en oeuvre. Et les médicaments sont actuellement disponibles en quantité limitée sur le marché. Le deuxième volet, ce sont des avancées thérapeutiques dans le domaine de la recherche. Si elle ne s'accélère pas, il est complètement irréaliste de penser
traiter tous les malades avec les traitements actuels. Il faudrait vraiment avoir des nouveaux traitements plus courts, plus efficaces, plus faciles d'emploi.

 

Antibiogramme, test de sensibilité aux médicaments

Cet examen permet de déterminer si les médicaments sont efficaces contre le bacille tuberculeux. Pour les soignants, il s'agit de déterminer le profil de résistance d'un patient. Il s'effectue sur les crachats, donc il est inadapté aux formes extra-pulmonaires et aux personnes qui ne peuvent pas en produire (les enfants). Il s'agit aussi d'une méthode lente (3 à 8 semaines) et complexe, qui nécessite un laboratoire hautement équipé et du personnel qualifié.

 

La tuberculose résistante en chiffres

Diagnostic de la tuberculose multi-résistante. D'après les statistiques de l'OMS, il y aurait 500 000 nouveaux cas de tuberculose multi-résistante par an. Sur ces 500 000,  seulement 10 à 15% des cas seraient diagnostiqués avec les méthodes actuelles (culture et PCR).

Traitement. Le GLC (Green light committee) est l'organisation donnant accès aux traitements antituberculeux de deuxième ligne et de qualité. Elle apporte un soutien technique, s'assure que les régimes thérapeutiques et la prise en charge sont conformes aux recommandations internationales. Depuis sa création en 2000, ce comité a donné accès à environ 60 000 traitements pour la tuberculose multi-résistante. Sur les 5 millions de cas apparus au cours de ces dix années, l'immense majorité des patients n'a pas été diagnostiquée et une fraction seulement a été traitée, et une fraction encore plus infime (0,5%) a été traitée selon les recommandations internationales avec des médicaments de qualité.

Un nouveau test diagnostique. Le nouveau test diagnostique de la tuberculose est réalisé sur une machine qui détecte l'ADN du bacille tuberculeux dans les crachats. Il a été mis au point par la société californienne Cepheid. Pour faciliter son accessibilité, FIND (Fondation pour des outils diagnostiques nouveaux et novateurs créée en 2003) a négocié une diminution de 75% des prix avec le fabricant pour les pays à revenus limités et les organisations internationales comme MSF. Le coût du test s'élève toutefois à 17 dollars, un prix très élevé pour de nombreux pays. Avec l'augmentation probable de la demande d'ici quelques années, le prix du test pourrait passer à dix dollars environ, selon la fondation FIND. Le coût de la machine est actuellement de 17 000 dollars.

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