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Haïti : retour sur deux semaines d'urgence

Alors que les secours médicaux entrent dans une deuxième phase avec des conditions enfin normales pour pratiquer la chirurgie et la médecine Joseph Roberto et Philippe racontent comment les équipes ont réussi à soigner depuis le 12 janvier dans les
© Julie Remy

Alors que les secours médicaux entrent dans une deuxième phase, avec des conditions enfin normales pour pratiquer la chirurgie et la médecine, Joseph, Roberto et Philippe racontent comment les équipes ont réussi à soigner, depuis le 12 janvier, dans les décombres du quartier de Delmas.

C'est la fin de la journée à Haïti et, à Pacot, le centre de réhabilitation a fermé les portes, la pharmacie est sous clé. Les membres de l'équipe MSF sont encore au bureau quand ils voient le bâtiment bouger.

« Nous avons tous eu le même réflexe : fuir, sortir le plus vite possible », se souvient Joseph Yogho Andona, coordinateur logistique à Port-au-Prince.

« Mais ce n'est qu'une fois dehors, avec toute la poussière, que nous avons réalisé qu'il s'agissait d'un tremblement de terre. Ca n'a pas duré dix minutes et nous n'avons compris ce qui se passait qu'en voyant le quartier partir en fumée. ».

Joseph appelle une autre équipe, à l'hôpital La Trinité et annonce : « Nous avons eu un tremblement de terre. » La réponse est immédiate : « Nous aussi. L'hôpital est détruit. Il y a du monde dessous. »

Des blessés arrivent immédiatement
Déjà des blessés arrivent et l'équipe sort la malle d'urgence. Rapidement, des cas plus graves sont amenés en voiture. Joseph part chercher deux autres malles d'urgence à la maison et évaluer la situation à l'hôpital de La Trinité.

Dans la rue, ils sont constamment arrêtés : « MSF, aidez-nous ! ». Les médecins et les infirmiers donnent les premiers soins, font des sutures, les logisticiens installent des espaces de travail. Il y a des blessés pour lesquels ils ne peuvent rien faire, faute de moyens, mais au moins ils soulagent la douleur le temps que la mort survienne.

En quelques heures environ 300 personnes sont "hospitalisées" à Pacot et encore plus à La Trinité. Les phares de voiture sont la seule source de lumière. Pendant deux jours, personne ne s'arrête, ni pour manger ni pour dormir. Les gardiens contiennent la foule qui veut entrer tandis qu'un soignant repère les blessés les plus urgents.

Le 14 janvier, alors qu'aucun renfort n'est encore arrivé, une équipe chirurgicale commence à opérer dans un bloc aménagé sous des bâches plastiques. Pendant ce temps, à Bordeaux, un hôpital de campagne est chargé dans un cargo pour parvenir à Port-au-Prince en urgence.

Organiser le triage, la médecine et la chirurgie. Les équipes envoyées en renfort découvrent avec effroi les conditions de travail à La Trinité. Les patients sont partout, devant les décombres de l'hôpital, dans la rue, certains sur des cartons, d'autres à même le sol.

Deux équipes chirurgicales travaillent dans des blocs aménagés, l'un sous bâche plastique, l'autre dans un conteneur. Une troisième effectue des nettoyages de plaies dans un autre espace. « J'ai retiré des muscles entiers sur cette table faite de palettes entassées » explique le docteur Roberto Beccari, chirurgien « c'était la course contre la montre, il y avait énormément de fractures ouvertes et il fallait gagner contre l'infection de tissus nécrotiques.»

Un quatrième poste est situé au triage pour identifier les cas graves et soigner les personnes qui ont besoin de pansements ou de plâtres. A côté, un médecin s'occupe des sutures. Enfin il y a le suivi des patients hospitalisés. Le travail s'effectue dans la chaleur et dans le bruit, parfois à la lumière de lampes frontales. Mais au moins le système de stérilisation fonctionne et les anesthésistes disposent des médicaments nécessaires dans la pharmacie.

« Je me souviens d'une jeune femme qui avait eu la tête écrasée » raconte le docteur Philippe Touchard, anesthésiste. « Nous devions nous y mettre à trois pour l'anesthésie, les voies aériennes pour l'intubation étaient quasiment inaccessibles. La plaie était pleine de vers. Nous avons opéré cette femme de 27 ans plusieurs fois. Elle est vivante et elle pu être opérée par un chirurgien haïtien spécialiste de la reconstruction.»

Sur les sites de Pacot et La Trinité, plus de 110 interventions sont réalisées pendant dix jours (sans compter les pansements), dont 27 amputations. La plupart des blessés ont un membre écrasé ou des plaies manifestement ouvertes et infectées.

Un membre perdu, une vie sauvée. Il faut évaluer rapidement ce qui peut être sauvé : « Pour un membre écrasé, si tu interviens dans les 24 heures, tu peux arriver à ce qu'il fonctionne encore. Dans un délai plus long, tu peux essayer de sauver le membre et conserver une certaine fonctionnalité. Même inerte, un membre n'est pas inutile, surtout pour les membres supérieurs dont l'appareillage n'est pas idéal » explique Roberto.

Mais il faut aussi savoir renoncer. « Ma première opération était sur une main, ce qui est justement ma spécialité. C'était une plaie très ouverte, très infectée, j'ai nettoyé. Il m'a fallu deux jours avant d'accepter de couper des membres. J'ai fini, trois jours après cette première opération, par amputer cette main. L'infection était trop importante et progressait rapidement, la patiente risquait de perdre le bras ou de mourir. Au départ je n'arrivais pas à annoncer une amputation et puis c'est devenu plus simple, ce n'est pas qu'on s'habitue mais plutôt qu'on sait que c'est le seul moyen, l'unique décision sage

Mais le chirurgien ajoute aussitôt : « J'en ai quand même sauvé, des jambes, des bras, des mains... ». Le matin, à 7 heures, sans rien se dire, chacun allait vérifier si les patients étaient encore là ou « partis ». C'était le terme employé par l'équipe.

Le transfert à l'hôpital gonflable. Durant toute cette semaine, une autre équipe s'active sur le site du futur hôpital de MSF, à Saint-Louis. Le matériel est enfin arrivé, six jours après le tremblement de terre, avec plusieurs jours de retard dû au refus d'atterrissage de l'avion MSF à Port-au-Prince.

Les médicaux organisent le circuit, la pharmacie, les logisticiens gonflent les tentes, installent les lits. Joseph, le coordinateur logistique, a refusé de quitter Haïti tant que cet hôpital ne serait pas monté.

Cent patients hospitalisés à Pacot et 80 à Trinité sont transférés à Saint-Louis, les malades retrouvent un lit, un matelas, et évitent ce qu'ils redoutent : un toit. La structure de toile les rassure alors que des répliques sèment régulièrement la panique.

Les chirurgiens opèrent dans des conditions correspondant aux standards de qualité. Joseph accepte alors de partir se reposer, loin de Port-au-Prince. Le 28 janvier, pour la première fois depuis seize jours, il arrête de sentir un tremblement.

Dossier "Tremblement de terre en Haïti"

Retour au dossier consacré aux interventions de MSF en Haïti après le séisme du 12 janvier 2010.

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